Chapitre 4 - Jour J moins 1 heure

Publié le par Sabrina Richard Auteur

Le samedi est toujours propice aux cavalcades en tous genres, il faut aller faire les courses au supermarché du coin, passer récupérer les lettres recommandées ou paquets déposés au bureau de poste du quartier, conduire les gamins à leurs cours de sport ou de danse… la liste est sans fin. Mais ce samedi-là, le planning si bien établi de ma petite famille allait être totalement déréglé.

Tout d’abord, pour je ne sais quelle raison, j’avais oublié de mettre le réveil. Ça ne m’arrive pas souvent, c’est même très rare. Ce matin-là je m'étais réveillée en sursaut à 9h30 et, à peine assise dans le lit, fixant d’un œil incrédule le radio réveil, je vis débouler Sam, en tenue de rugby.

— M’man, pas de panique, si on part maintenant on s’ra pas en retard.

— Bonjour à toi aussi mon fils, fis-je en me frottant le visage afin de me réveiller.

— J’ai déjà pris mon petit-déj’, donc t’a pas à te tracasser pour ça. T’as qu’à enfiler un sweat et un pantalon et tu me déposes au stade, OK ?

— Euh… oui… OK, lui répondis-je en me levant.

Cinq minutes plus tard j’étais habillée, en partant maintenant nous devrions arriver dans les temps.

C’est alors que je prenais mes clés de voiture et mon sac à main que j'aperçus Charles, assis sur le canapé en train de lire les infos via son ordinateur portable.

— Bonjour, dit-il en levant les yeux vers moi.

— B’jour, désolée, pas le temps, en retard pour le rugby, lui lançais-je en continuant ma route vers la porte d’entrée.

— J’aimerais que l’on parle lorsque tu rentreras, nous avons certains points à éclaircir et il faut que l’on fasse cela sereinement. Que dirais-tu si je t’emmenais déjeuner ce midi ?

Je fis signe à Sam de m’attendre dans l’entrée.

— À t’entendre, on croirait que tu parles à l’une de tes clientes !

— J’essaie seulement d’être calme et conciliant…

— Ce qui aurait été encore mieux c’est que tu déposes Sam à son club plutôt que de lire les infos, mais ça, c’est un autre souci.

— Tu sais bien que c’est toujours toi qui t’en occupes.

— Oui, c’est toujours moi… enfin surtout depuis ces six derniers mois. D’ailleurs, comment ça se fait que tu ne sois pas déjà au bureau ? Après tout, c’est samedi, je suis sûre que tu as quantité de choses à faire à ton cabinet avec Danielle plutôt que de rester ici !

— J’ai bouclé les dossiers les plus urgents avant-hier et hier, de façon à avoir du temps à passer avec toi et les enfants ce week-end.

— Monsieur est trop aimable de vouloir consacrer du temps à sa famille, seulement c’est trop tard, je ne changerai pas d’avis.

— Val, écoute-moi s’il-te-plait, laisse-nous une chance.

— Pour quoi faire ? Pour s’entre-déchirer de nouveau dans quelques mois ? Je n’en vois pas l’intérêt.

— Tout pourrait changer, JE pourrais changer ! Je travaillerai moins, je serai plus souvent à la maison, je m’intéresserai à ton travail, je pourrai même te donner mon avis sur ce que tu écris ! S’il te plait, je te le demande encore une fois, laisse-nous une chance de tout réparer !

— Ce n’est pas avec des promesses que l’on sauve un mariage, mais avec des gestes ! Prouve-moi que ça vaut le coup et on pourra parler, mais pas maintenant, je suis déjà en retard.

— Réfléchis Val, je t’aime, sincèrement, j’ai besoin de toi, tu es la femme de ma vie et tu l’as toujours été !

— Comment peux-tu oser me dire ça alors que…

— Souviens-toi de nous ! Souviens-toi de ce que nous étions ! De l’amour que nous avions l’un pour l’autre, de ces moments de tendresse que l’on partageait avant que les enfants n’arrivent…

— Je m’en souviens Charles, je m’en souviens parfaitement… C’est toi qui as tout oublié et tout gâché !

Et, sur ce dernier échange, je fis signe à Sam de descendre les escaliers et fermais la porte derrière moi.

 

***

 

Jean-Laurent était notre boulanger depuis bientôt dix ans. Il avait repris le commerce de ses parents, partis s’installer en Normandie sur les terres familiales.

C’était un homme d’une quarantaine d’années, plutôt sympa, toujours de bonne humeur et qui aimait son métier.

Voyant Charles pousser la porte de sa boutique, il fit le tour du comptoir et vint lui serrer la main.

— Dis donc, ça fait un sacré bout de temps que je t’avais pas vu toi ! Qu’est-ce que tu deviens ? Toujours avocat ? C’est que ça doit bien faire six mois que c’est toujours madame qui vient prendre le pain, même le dimanche !

— Oui, c’est ça, ça fait six mois… J'ai beaucoup de travail, tu sais ce que c’est.

— Le boulot c’est important ! Quand on a en pas, on s’plaint, quand on a trop, on s’plaint aussi !

Charles rit et demanda trois baguettes rustiques et un sachet de huit croissants.

— Vous avez un sacré appétit dans vot’ famille ! Tiens, c’est moi qui régale, ça fait tellement longtemps que j’t’ai pas vu, j’fête ça à ma manière !

— Merci beaucoup, ça me touche. C’est clair que l’appétit chez nous, on en a. Tu sais, avec deux ados à la maison…

Jean-Laurent mit un bras sur les épaules de son ami et, laissant la boulangerie à ses employés le temps de finir sa conversation, les deux hommes passèrent la porte et firent quelques pas sur le trottoir en direction du passage piéton.

— M’en parles pas, les miens poussent plus vite que du chiendent !

— ça leur fait quel âge maintenant ?

— Dix, douze et quatorze ans !

— Et que des garçons ! Ça ne doit pas être facile à la maison, n’est-ce pas ?

— J’te l’fais pas dire, répondit Jean-Laurent en riant. Leur mère devient folle à devoir tout le temps les empêcher de se chercher des noises, mais on est bien contents de les avoir ces mômes. En même temps, tu dois pas trop les avoir sur le dos, toi.

— Comment ça ?

— Ben t’as dit que ça faisait six mois que tu étais débordé de boulot, donc t’as pas trop le temps de voir tes gamins, j’me trompe ?

— Non, c’est vrai… Ces derniers temps je n’ai pas vu grand-chose…

— C’est bien c’qui m’semblait. C’est qu’c’est pas facile pour Val non plus. Gérer les gosses et la maison pendant que toi tu bosses… C’est qu’elle a aussi un boulot, et c’est pas parce qu’elle le fait de chez elle que ça vaut que dalle, tu sais ça, hein ?

— Pourquoi tu me dis ça ? Elle t’a parlé ?

— A moi non, mais à ma femme oui… Et elle m’a tout répété… J’veux pas m’mêler de c’qui m’regarde pas, mais une femme, ça se chouchoute, l’amour ça s’entretient, et si tu foires ça, tu perds tout, vieux. J’dis pas ça pour te faire la morale, mais pour t’aider. J’suis sûr que ça va s’arranger vos affaires, faut laisser l’amour s’exprimer, c’est ça le secret d’un couple qui dure !

— Encore faut-il que les deux moitiés souhaitent que ça s’arrange… Val a demandé le divorce, elle a vu un avocat…

— Oh merde ! Suis désolé vieux ! ça, c’est dur à encaisser ! Mais c’est pas mort, t’es pas encore passé devant le juge. Tu sais comment ça se passe ce genre d’affaires, ça traine en longueur et d’ici Noël vous serez encore mariés.

— Oui, sûrement, mais dans quelles conditions ? L’important est que tout se déroule bien pour que les enfants n’en souffrent pas. Ils sont en pleine adolescence et ce genre d’évènement va les marquer longtemps. Je ne sais pas comment gérer ça, je n’ai jamais été très fort pour régler les conflits domestiques, j’ai plutôt tendance à faire le dos rond, alors un divorce…

— Et c’est le grand avocat qui me parle ? Où est passée ton envie de gagner ? Ce mariage, tu y tiens ou pas ? T’as envie que les choses s’arrangent ?

— Oui bien sûr, mais… malheureusement cela ne concerne pas que moi.

— Val tu vas la reconquérir, t’inquiètes pas pour ça.

— Je ne parlais pas de Valérie…

— Ah ben merde, si j’m’étais douté…

— Oublie ça, et ne lui répète pas ce que je viens de te dire OK ? Ni à ta femme, je compte sur toi.

— Pas d’problème, j’garde ça pour moi. Et toi, débarrasse-toi de l’autre nana et retourne vers ta femme. Elle le mérite, c’est quelqu’un de bien.

— Je le sais… Elle est la plus belle chose qui me soit arrivée…

— Alors qu’est-ce que t’attends ? Achète-lui des fleurs, une belle robe et sortez faire un bon gueuleton, ensuite vous parlerez et vous arrangerez les choses.

Charles regarda son ami, puis sa montre, ça faisait une demi-heure qu’ils discutaient. Valérie était sûrement déjà rentrée à la maison, se demandant où il était passé.

— Merci pour tes conseils Jean-Laurent. Faut que je file, j’essayerai de repasser la semaine prochaine, OK ?

— ça sera avec plaisir, je te mettrai des croissants de côté !

Et tandis que Charles s’engageait sur le passage piéton alors que le petit bonhomme était au rouge, il se retourna une dernière fois et lança :

— Et surtout, j’insiste, tu dis rien à Valé…

Un crissement de pneus et un choc violent au niveau du bassin l’interrompirent. Son corps vola sur près de vingt mètres. En retombant, sa tête heurta le parechoc arrière d’une grosse cylindrée et prit un angle incongru par rapport à son cou. Une mare de sang commença à se répandre sur l’asphalte. Jean-Laurent, qui avait été aux premières loges, hurla à sa caissière d’appeler les pompiers.

Il se précipita vers Charles et murmura, comme une prière, des mots qui n’avaient de sens que pour eux deux :

— Oh putain de merde ! C’est promis Charles, je lui dirais rien…

 

 

© Sabrina Richard – « Souviens-toi de nous ! »

Publié dans Chapitres

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M
Avec du retard à cause du boulot,je me suis attelée aux chapitres 3 et 4 hier soir. Je n ai que une chose à dire la suite,la suite :o))))) Chapitres très agréables à lire,on se laisse prendre par le récit :o)))) bon weekend end et gros bisous la miss :o)))))
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S
Ne t'inquiète pas, j'avais compris lol ;-)<br /> Bisous et très bon week-end à toi aussi (en plus il fait super beau, faut en profiter ^^)
M
Zut lol tellement pressée de mettre mon com que je me mélange dans ma chronologie de lecture chapitre 3 lu hier soir et 4 lu tout a l heure :op lol le biyouuuuuux
S
Coucou,<br /> Je suis contente que l'histoire te plaise toujours ;-) J'en suis à l'écriture du chapitre 7, ça avance vite !